Le jour où ma perception du handicap a changé

 

Nous avons tous notre sensibilité aux difficultés des autres surtout quand elles ne nous touchent pas directement. Il suffit parfois d’un évènement pour la changer.
A l’été 1987, après un entrainement à la piscine Georges Hermant, j’ai eu la chance d’assister à une compétition mondiale d’handicapés. Je me souviens d’avoir assisté à l’arrivée des nageurs sur le bord du bassin et ce moment incroyable où ils larguent tous leurs prothèses sur le bord du bassin. Partout, je voyais ces athlètes détacher leurs bras ou leurs jambes, les abandonner sur les plages, s’extirper de leur chaise roulante avant d’aller dans l’eau. Et où les moins indépendants -certains n’avaient ni bras, ni jambes – étaient portés par un assistant dans leur ligne d’eau.
C’est un moment que je ne peux pas oublier. J’étais fasciné par leur courage et par leurs performances.
Elles étaient franchement impressionnantes : le plus valide était plus rapide que moi, et une fille quasiment sans bras et sans jambes bouclait le 50 m en moins de 3 minutes !
Nous étions 4 nageurs valides dans les tribunes en plein air sous un soleil d’été brûlant et nous avions tous les 4, la chair de poule. Je ressentais un mélange de culpabilité et d’admiration. Coupable d’être là ou d’être valide ou de regarder en étant valide, je ne sais plus vraiment, et aussi admiratif de ces combats et de ces vies.
J’avais l’impression à l’époque de faire beaucoup d’efforts et de sacrifices pour mes entrainements et mes compétitions. Je suis sorti de cette piscine, complètement sonné et conscient d’avoir reçu une grande leçon sur ce que peut être le courage et le dépassement de soi.

Il m’aura fallu avoir sous mes yeux, pendant 2 heures, ces hommes et ces femmes lutter contre eux-mêmes, malgré leur corps, pour se dépasser et pour l’espace d’un instant oublier leurs limites physiques et atteindre leurs objectifs.

Aujourd’hui, la leçon que j’en retire en tant qu’entrepreneur, qu’employeur, c’est qu’au-delà du handicap, chaque collaborateur qu’il soit valide ou non, fait face à ses propres difficultés et doit aussi les combattre. Et c’est rarement visible.

Le manager ou l’entrepreneur a vite tendance à oublier l’humain sous la pression de la rentabilité, de la satisfaction client ou de la performance de l’entreprise. Malgré les erreurs et les moments de faiblesses d’un agent de propreté, j’essaie toujours de porter un regard humain et respectueux sur mes collaborateurs.

Ce n’est pas par angélisme mais parce que les agents de propreté, qu’ils soient valides ou handicapés, font un métier exigeant physiquement et moralement. Très peu d’entre nous seraient capables de le faire et pourtant nous avons tendance à juger avec sévérité la performance ou le travail d’un agent.

Et vous, prenez vous du recul avant de juger ?

Laisser un commentaire

Partagez
Partagez